Votons Poutou !, par Olivier Besancenot

Nous sommes entrés dans la dernière ligne droite d’une campagne présidentielle malheureusement digne de remporter le trophée de la campagne électorale la plus éloignée des pré-occupations réelles de la population.

Alors que les conditions de vie et de travail se dégradent, alors que pour nous faire payer la crise économique, s’accentue la pression en multipliant les mesures d’austérité, Sarkozy et ses amis veulent détourner la colère sociale sur un terrain nauséabond où prospèrent les idées racistes et xénophobes.
Premier épisode, dégueulasse, les déclarations du ministre de l’Intérieur Guéant sur la supposée supériorité de certaines civilisations par rapport à d’autres, ciblant particulièrement le monde musulman. Deuxième épisode, écœurant, Sarkozy himself se transforme en porte-parole de Marine Le Pen, relayant la polémique surréaliste mais toujours aussi ciblée sur la supposée viande Halal. Troisième épisode, révoltant, l’instrumentali-sation indécente de la tuerie raciste de Toulouse. Profitant de ce geste ignoble, le gouvernement sans aucun scrupule essaie d’ancrer la campagne électorale sur le terrain de l’insécurité si cher à la droite et à l’extrême droite.

Pitoyable et odieuse tentative de la droite de reprendre la main sur cette campagne alors que celle-ci est marquée par l’irruption des luttes ouvrières sur la scène politique. À commencer par les Fralib de Géménos, la lutte du « pot de thé » contre le pot de fer, à savoir la toute-puissante société Unilever débordant pourtant de surprofits. Puis les Lejaby d’Yssingeaux, une centaine de salariées à qui la fermeture de leur entreprise était promise et qui se sont battues au point d’obliger les émissaires de Sarkozy et de Hollande à leur trouver une solution. Enfin, les travailleurs d’ArcelorMittal de Florange, à qui le super-président a fait la promesse de sau-ver le site en lâchant 17 malheureux millions sortis des cais-ses de l’État et qui n’ont en fait reçu que mépris et gaz lacry-mogènes quand ils sont venus à Paris demander des comptes.

Toutes ces luttes, notre candidat Philippe Poutou s’en est fait le porte-voix dans toutes ses interventions, tant à la tribune des nombreuses réunions publiques qu’aux micros des médias. Parce que justement c’est quand celles et ceux que l’on n’attendait pas font irruption dans le jeu des politiciens, c’est quand la radicalité sociale s’exprime, que les anticapitalistes sont utiles. Plus que jamais.

Car dans cette élection, le service minimum, ce sera d’abord de filer un grand coup de saton dans l’arrière-train présiden-tiel de Sarkozy et de toute sa bande. Dégage le président des riches déguisé en candidat du peuple ! Dehors les organisateurs de la casse sociale ! À la porte les xénophobes de tout poil ! C’est le moment de payer l’addition et elle doit être la plus salée possible, à la hauteur des reculs sociaux qu’ils nous ont imposés ces dernières années.

Alors virer Sarkozy, c’est nécessaire et il ne faut pas s’en priver, mais cela ne suffira pas. Car comment croire un François Hollande qui en quelques semaines s’intronise ennemi de la finance autoproclamé, puis va prêter allégeance à la City londonienne, un des symboles de l’affairisme et de la spéculation ? Que penser d’un candidat dont la feuille de route est d’après ses propres dires de « donner du sens à la rigueur », respectueux des marchés, de l’Union européenne, futur bon gestionnaire d’une dette illégitime et inique ?

C’est pour toutes ces raisons que notre voix est précieuse. Car il n’y en a pas beaucoup, des candidats dans cette campagne qui connaissent dans leur chair la condition vécue par celles et ceux d’en bas. Il y en a encore moins des candidats qui n’ont pas fait de la politique un métier, mais qui défendent que c’est aux opprimés eux-mêmes de se représenter, de prendre leur sort en main. Et il n’y en a qu’un, ouvrier et candidat, pour porter tous nos combats.

Dans les urnes dans quelques jours comme dans les mobilisations quotidiennes, le NPA et son candidat Philippe Poutou défendent un programme anticapitaliste radical mais utile, car répondant aux besoins de la majorité, à l’urgence sociale, écologique et démocratique.

Urgence à augmenter les salaires et pensions, à stopper net les licenciements et les suppressions d’emplois dans les services publics, à arrêter immédiatement de payer la dette et les cadeaux aux plus riches, à imposer une véritable révolution fiscale, pour une autre répartition des richesses.

Urgence à prendre la décision de sortir du nucléaire en dix ans, à réquisitionner les grands groupes de l’énergie pour créer un véritable service public permettant une planification sociale et écologique respectueuse de la planète.

Urgence à combattre les politiques sécuritaires, à imposer de nouveaux droits pour les populations immigrées, pour l’égalité des droits entre hommes et femmes, à imposer une « démocratie réelle » comme l’exigent nos camarades dans l’État espagnol et en Grèce.

Et puis autant le dire clairement, dans un monde politique cocardier, où, même à gauche, les valeurs supposées de la République française servent avant tout à masquer les inté-rêts de quelques-uns, qui brandit au contraire le drapeau de l’internationalisme, de la solidarité par-delà les frontières ? Qui veut faire résonner dans cette campagne les révolutions arabes, la mobilisation des Indignés du monde entier, l’intervention consciente des peuples pour prendre leurs affai-res en main ? Drapeau de l’internationalisme qui a les cou-leurs de l’antiracisme. C’est pour cela que Philippe est un des rares candidats à défendre la liberté de circulation et d’installation, le droit de vote des immigrés à toutes les élections et la régularisation de tous les sans-papiers.

Humblement mais résolument, c’est aussi ce que nous vou-lons porter avec la candidature de Philippe.

Alors, on le sait, ce n’est pas le genre de la maison de penser que les jours d’élection ouvrent la voie à des lendemains qui chantent. Le dimanche 22 avril, nous avons au moins l’occasion de dire clairement ce que nous défendons, ce que nous voulons, ce à quoi nous aspirons. Alors profitons-en pour mettre dans l’urne nos colères, nos révoltes, nos luttes, en votant pour Philippe.

Ces élections sont en quelque sorte notre match aller, joué à l’extérieur, sur le terrain de l’adversaire, dans le cadre d’institutions non démocratiques où il est bien difficile de se faire entendre, encore plus de changer les choses. Mais dès maintenant, par notre vote, préparons aussi le match retour, indispensable, celui que l’on jouera à domicile, sur notre ter-rain, celui des résistances et des mobilisations.

Car si, comme on le souhaite, Sarkozy ne sera bientôt plus qu’un bien mauvais souvenir, il y aura un grand besoin des anticapitalistes, celles et ceux qui sont les plus indépendants du Parti socialiste, pour préparer l’opposition à gauche la plus unitaire au futur gouvernement. Engager la construction d’un regroupement de toute la gauche sociale et politique pour résister à l’austérité, de droite aujourd’hui, peut-être de gauche demain.
En ce sens, le vote pour Philippe Poutou est aussi un engagement sur l’avenir, la meilleure des façons de prendre date pour la suite.

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